Fabrizio Gatti est parti de Dakar jusqu'à la frontière lybienne, en train, camion pick-up. Parcours ahurissant qu'empruntent des milliers de personnes. Qu'empruntaient. Avant que Kadhafi et ses sbires se mettent en tête de plaire à l'Europe et lancent une chasse au faciès délibérée. Mais ce n'est qu'un des aspects de ce livre superbe et dur et qui devrait imposer le respect pour ces hommes, femmes et enfants qui se jètent à corps perdus dans une aventure dont ils n'imaginent pas l'enfer. L'enfer des extorsions permanentes tout le long de la route, de la violence, de l'enfer du désert puis de la mer où 15% disparaissent. Je vais pas vous résumer le livre, juste lisez-le, cela éclaire. Et puis en lisant "Aku Aku" de Thor Heyerdhal, on se rend compte que les émigrés clandestins ce n'est pas une nouveauté: en 1950, sur l'ile de Paques, les habitants essayaient (et y arrivaient) à se sauver la nuit sur des embarcations faites avec des joncs, et ils atterissaient, en Polynésie, quelques milliers de kilomètres plus loin. Qui s'en souvient ? Et les raisons étaient les mêmes qu'aujourd'hui. D'ailleurs, ceux qui passaient le rideau de fer étaient des héros. Autre époque. Mais clandestins aussi.